lundi 7 juillet 2014

Voyage autour de ma chambre
chapitre 1 : à la Nouvelle Orléans


Pour cela, il vaudrait mieux demander à mes voisins de terrasse, ceux-là oui, ou les autres, un peu plus loin : vous voyez ? ceux qui ont poussé les verres et les tasses pour déplier la carte, qui consultent leur guide. 
Parce que moi : non. 
Ne comptez pas sur moi pour vous raconter l'île : je n'en connais que les variations autour du bleu du ciel et de la mer, que je vois par la fenêtre de mon studio. 
Pour le reste : non. 
Car je ne déteste rien tant que devoir emplir un sac, porter une valise, espérer pouvoir attraper ma correspondance. 
Car je n'aime rien tant que rester immobile pendant qu'on me raconte les voyages que je ne ferai pas. 
Alors. Alors, j'emplis de français les marges de nouvelles traduites de l'anglais dans une langue que je ne parle pas. 
Mettez Geoff Dyer dans n'importe quel endroit du monde, il le couvrira d'un léger voile de nostalgie, parlera de trains de marchandises qu'on laisse passer à regret, de premiers baisers sur fond de tapage de Mardi Gras, de revolvers qu'on garde dans la boîte à gants de la voiture davantage pour pouvoir se faire sauter la cervelle qu'en cas de réelle menace.  

"Dans les films, quand un homme s'installe dans une nouvelle ville -y compris s'il vient d'accomplir une longue peine de prison pour avoir tué son épouse- il ne tarde pas à faire la connaissance d'une femme à la caisse du supermarché ou au Croissant d'Or, où il a pris son petit déjeuner lors de son premier matin à la  Nouvelle Orléans. Bien que je ne connaisse aucune des serveuses au Croissant d'Or, établissement bien nommé, je continuai à y prendre mon petit déjeuner tous les jours parce qu'on y servait les meilleurs croissants aux amandes que j'eusse jamais goûtés (que j'aie jamais goûtés). Parfois, il pleuvait pendant des jours et des jours, la pluie la plus dense que j'eusse jamais vue de ma vie (ensuite, j'en ai vu des pires), mais, malgré la pluie, je ne manquais jamais un petit déjeuner au Croissant d'Or, en partie pour l'excellent café et les croissants mais, surtout, parce que cette visite devint une partie de la routine de mes jours."

Le livre de Geoff DyerYoga for People Who Can't Be Bothered to Do It, est traduit en espagnol par Cruz Rodriguez Juiz et intitulé : Yoga para los que pasan del yoga.
Depuis quelques temps, Geoff Dyer s'est vu obligé de moins manger de croissants aux amandes.

Vocabulaire noté :
-los chorizos : les voleurs
-nos colocábamos : nous nous sommes drogués
-me jodió la vida : ça m'a ruiné la vie
-si intentan joderme tres tíos : si trois mecs essaient de me baiser
-empezaba à disfrutarlo : je commençais à l'apprécier
-no me apetecía tanta molestia : je n'avais pas envie de tant souffrir

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