mercredi 28 janvier 2015

Le jour des frites

C'est le jeudi. 

Alors, le bus effectue un virage qui nous fait frôler presque la baie vitrée du fast food et, toujours, j'en observe l'intérieur, les frites dont la lumière du soleil fait clinquer le jaune, l'angle brusque des pailles plantées dans les gobelets, les chaises joyeusement désordonnées.  
Et le petit garçon. Car, invariablement, un petit garçon Pourquoi toujours tellement plus rarement des petites filles ? mais jamais le même ou alors si mais comment en être sûre ?, à genoux sur sa chaise, penché vers la table, mange mais le plus souvent : parle. 

C'est comme Vincent, je me dis, peut-être que c'est comme Vincent qui a grandi tout près de chez moi et qui m'a laissé ces souvenirs-là : son chien boxer nommé Sampa que notre chien à nous, ne craignant ni le ridicule ni, il faut croire, le déshonneur, allait défier régulièrement du haut de sa taille de bâtard mi-teckel mi-quelque chose d'à peine plus grand remplacé ou cohabitant avec ? par un autre plus jeune, plus fou, nommé Rhésus Je ne pourrais pas parler de ce chien sans ambiguité ici car on penserait : Jesus, quel drôle de nom pour un chien quand tant de garçons y répondent -plus ou moins heureusement : j'en connais un qui préfère qu'on l'appelle par son initiale J (prononcer [jota]à cause d'un contexte familial médical Son père : médecin. Sa mère : infirmière,  ses parents divorcés, un garçon un peu bagarreur, Vincent, un peu secret aussi De ce genre de personnes dont, plus tard, j'ai pensé que, si elles se taisent ce n'est pas forcément par discrétion, par pudeur ou quelque chose comme ça mais simplement parce qu'elles n'ont rien à dire. , son père remarié à une femme C'est peut-être l'inverse : peut-être Vincent habitait-il avec sa mère, remarié . Ces garçons ont déménagé avant nous, comme beaucoup de monde, autour de la place et je commençais vaguement à être adolescente, je n'ai pas tout retenu des histoires d'adultes que personne, d'ailleurs, ne me racontait en détail.  Ainsi, lirait-il ces lignes, Vincent aurait-il sans doute quelque chose à y rectifier. Ainsi, une dizaine d'années après son départ à elle, j'ai recroisé Heidi qui avait habité là, elle aussi, avec ses deux fils dont je lui ai demandé des nouvelles, écorchant sans le vouloir le prénom de l'un d'entre eux, et elle le rectifiant, semblant offusquée de cela alors que je trouvais, moi, déjà bien de la reconnaître. Je constate en l'écrivant et avec soulagement que je ne reconnaîtrais plus, à présent, Heidi et que je n'ai aucun souvenir du nom même approximatif de ses enfants.  mère d'un garçon du même âge et ils finirent par très bien s'entendre, s'amusant beaucoup tous deux de l'étonnement que provoquait leur gémellité si dissemblable auprès de ceux qui ne la savaient pas recomposée car ce garçon ressemblait beaucoup plus à Henry Thomas     On imagine la vie d'Henry Thomas qui, pour toujours, est l'ami d'un extra-terrestre plus célèbre que lui. qu'à Vincent qui allait manger tous les mercredis midis au Flunch dont il aimait les frites, à volonté. 

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