jeudi 13 août 2015

Dedans les gens

Ecrire est regarder ou l'excuse pour regarder. Tous ceux qui vivent du conte devraient regarder jusqu'à avoir mal aux yeux. Moi, je justifie mon indiscrète curiosité en me disant à moi-même que je le fais pour vous.  
Traduction libre d'un extrait de Don de gentes de Elvira Lindo.*

On dit souvent que les personnes qui perdent l'usage d'un de leurs sens 
: l'ouïe ou la vue
 développent l'usage de l'autre 
: la vue ou l'ouïe. 
Le jour où je n'ai plus compris leurs conversations
 j'ai commencé à regarder les gens autrement 
 à New York, (9 W 42nd St),
à Lisbonne
à Bruxelles
ici, aussi, 
qu'ils soient de là ou d'ailleurs, 
j'imagine de la vie des gens
ce qui nous rend, tous, 
banals autant qu'uniques : 
Une cicatrice de varicelle, là. Une peluche aimée, égarée, jamais oubliée. Un parfum de glace préféré. Un zéro en géométrie. Un régime commencé, abandonné, recommencé, abandonné, recommencé, aband… Des larmes à la mort de la mère de Bambi. Une frayeur au volant. Un fard piqué au tableau. L'impatience du retour de chaque saison. Un cauchemar récurrent. L'habitude de colorer des oeufs à Pâques. Un mauvais souvenir de vacances. 
etc.


*Escribir es mirar o la excusa para mirar. Todos aquellos que vivimos del cuento deberíamos mirar hasta que nos dolieran las ojos. Yo justifico mi entrometida curiosidad diciéndome a mí misma que lo hago para ustedes.
Elvira Lindo.

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