mardi 5 janvier 2016

Tuesday self portrait

A ce moment-là, il connut aussi une femme. C'était la colocataire d'un ami et il eut l'occasion de la voir fréquemment ces jours-là, souvent assise à la table de la salle à manger de la maison qu'elle partageait avec son ami, étudiant des livres de médecine dont les illustrations lui faisaient penser aux cartes d'un pays dévasté. Il ne pouvait pas croire qu'il avait cela à l'intérieur de lui; d'une certaine manière, il était convaincu que son corps était quelque chose de compact, un tas de chair de couleur rose, qui tremblait quand il avait froid, lâchait des odeurs ou sursautait d'indignation quand il se souvenait, quand quelque chose du pays qu'il avait laissé revenait à sa mémoire. Une fois, il lui dit, à elle, qu'il ne croyait pas qu'il y avait cela, que, pour lui, l'estomac ou les poumons étaient inventés. Elle le regarda et lui demanda ce qu'il croyait qu'il avait et lui répondit qu'il imaginait qu'il avait seulement de la chair, de la chair partout et, quelque part, un organe qui était l'organe de la mémoire et, ajouta-t-il, si elle pouvait le lui enlever, s'il y avait une opération qui libérait un patient de sa mémoire, pas pour la détruire mais pour la conserver comme souvenir et enseignement pour les autres, il se livrerait volontiers à elle, à condition que sa mémoire soit conservée dans un endroit auquel il pourrait accéder une ou deux fois par an afin de se souvenir de tout ce qui lui était arrivé et avoir, ainsi, la conviction que tout ce qui se passerait à partir de là pourrait seulement être mieux que ce qui lui était déjà arrivé. 

Traduction libre d'un extrait* de El mundo sin las personas que lo afean y lo arruinan (Le monde sans les personnes qui l'enlaidissent et le détruisent) de Patricio Pron. 

*
En ese tiempo conoció también a una mujer. Era la compañera de piso de un amigo y tuvo oportunidad de verla con frecuencia en esos días, a menudo sentada a la mesa del comedor de la casa que compartía con su amigo estudiando libros de medicina, cuyas ilustraciones le parecían los mapas de un país devastado. No podía creer que él tuviese eso dentro de sí; de alguna forma, había estado convencido de que su cuerpo era algo compacto, un montón de carne de color rosado que temblaba cuando tenía frío, soltaba olores o se estremecía de indignación cuando él recordaba cosas, cuando algo del país que había dejado regresaba a su memoria. Una vez le dijo a ella que él no creía que tuviese eso, que, para él, el estomago o los pulmones eran inventos. Elle lo miró y le preguntó qué creía que él tenía, y él respondió que imaginaba que tenía sólo carne, carne por todas partes y en algún sitio un órgano que era el órgano de la memoria, y, agregó, si pudiese quitárselo, si hubiese una operación que apartase de un paciente su memoria, pero no para destruirla sino para conservarla como recuerdo y enseñanza para otros, él se entregaría gustoso a ella, a condición que su memoria fuera conservada en un sitio al que él pudiese acceder una o dos veces al año para recordar todo lo que le había sucedido y ratificarse así en la convicción de que todo lo que pasase de allí en adelante sólo podría ser mejor que lo acontecido en el pasado. 

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