dimanche 6 mars 2016

L'observation

Je regardais cet homme avancer lentement, faire tout lentement, comme au ralenti : marcher tout en scrutant les couvertures des revues, attraper l'extrémité de son col avec ses dents d'une manière si distraite, si rêveuse, qu'il me fut difficile de deviner, avant de le voir tirer sur la fermeture de son vêtement et de savoir que c'était par commodité, s'il ne le faisait pas inconsciemment. Je regardais cet homme dont il était évident qu'il n'aurait rien su dire de ce qui l'entourait ni rien non plus des personnes présentes, cet homme qui était tourné vers l'intérieur de lui-même, qui semblait détailler tous les titres des revues afin de savoir si l'une d'entre elles l'intéressait mais qui, dans le fond, n'était pas prêt à interrompre sa trajectoire lente pour en savoir plus sur un thème ou un autre car, sans quitter des yeux le présentoir, il continua jusqu'au seuil de la pièce où je me tenais, où il tourna la tête, où il me vit. 
J'étais à la bibliothèque, je regardais cet homme et c'était toi, tu ne savais pas que j'étais là, tu ne m'avais pas vue, tu pensais que tu venais m'attendre alors que je t'attendais déjà, guettant, pendant ces minutes longues de ta traversée du hall, le moment où tu tournerais la tête, où tu relèverais la tête, où tu me verrais, devinant l'expression de tes yeux, de ta bouche quand tu reviendrais à moi à la fin de ce moment où je n'existais pas. 
Hier matin je te regardais dormir, j'observais, dans le lit comme dans la bibliothèque, ton absence à moi et même si, cette fois, tu ne bougeais pas, cette fois aussi et plus encore, tu étais tourné vers l'intérieur, ignorant ma présence et mon regard posé sur toi. 
A ton réveil, tu me souris, dans le lit comme dans la bibliothèque et, aussitôt, comme si tu me retrouvais en franchissant le seuil d'une autre pièce, tu me racontas une histoire de princesse, de visite guidée, ton rêve dans lequel nous étions ensemble, en train de pique-niquer.  


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