mercredi 13 avril 2016

Sur la porte par où l'on entre dans la bibliothèque, il est écrit en caractères grecs "Pharmacie de l'âme" (1)

Aussi, je franchis l'entrée de la bibliothèque avec la certitude d'y trouver un remède. 
Au bout du bout, la nostalgie de l'ordre, le désir de symétrie. Un peu la même chose que Enrique, mon beau-frère, qui durant ses séjours à la maison s'impose la tâche de lire les livres de la dernière étagère de ma bibliothèque de gauche à droite et de haut en bas; impossible de résister à la tentation de marier les commencements, celui du jour et celui de l'année. 

Comme fatigué, si je pense aux dernières semaines et au peu de jours qui restent jusqu'à ce que je parte. Ce qui nous vient de l'extérieur, imposé, a l'inconvénient de nous épargner les décisions; nous attendons, simplement, et c'est démoralisant. Mener une vie sans événements extérieurs paraît être la condition indispensable si on veut prendre des décisions d'ordre moral. C'est pourquoi la mort, qui nous est toujours imposée, est si démoralisante. 
La joie de contrôler les faits -"facilité, bonheur sans tache". 
Malheureusement, dans le pays des faits, on finit toujours par arriver dans une province rebelle et les indigènes nous y attendent, équipés de lances mortelles.  

Traduction libre d'un extrait (2) du Journal de Jaime Gil de Biedma. 

(1) 
Sobre la puerta donde se entra a la sala de biblioteca, está escrito en caracteres griegos "Farmacia del alma"

Antoni Marí. Libro de ausencias

(2)
En el fondo del fondo la nostalgia del orden, el deseo de simetría. Un poco lo mismo que Enrique, mi cuñado, que durante sus estancias en casa se ha impuesto la tarea de leer los libros del armario extremo de mi biblioteca de izquierda a derecha y de arriba abajo; imposible resistir a la tentación de casar los dos comienzos, el del diario y el del año. 

Algo cansado, si pienso en las últimas semanas y en los pocos días que aún quedan hasta que me marche. Lo que nos viene de fuera, dictado, tiene el inconveniente de ahorrarnos decisiones; estamos a la espera, simplemente, y eso desmoraliza. Llevar una vida sin acontecimientos exteriores parece una condición indispensable si se pretende tomar dicciones de orden moral. Así la muerte, que siempre nos viene impuesta, desmoraliza tanto. 
La felicidad de controlar los hechos -"facilidad, felicidad sin tacha". 
Lamentablemente, en el país de los hechos siempre se acaba llegando a una provincia rebelde y allí los nativos nos esperan, erizados de azagayas mortíferas. 
Jaime Gil de Biedma. Diario. Retrato del artista en 1956. Las islas de Circe. 

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